Dans les collines paisibles de Khiam, un village niché au sud du Liban, le chant des oiseaux est peu à peu revenu. Mais il se mêle désormais aux échos des marteaux et au bourdonnement sourd des générateurs — des signes de vie et de reconstruction.
Il n’y a pas si longtemps, ce même village a été plongé dans la dévastation lors de l’agression israélienne contre le Liban en 2024. L’une des cicatrices les plus marquantes de cette attaque est le centre médical de l’Association Amel International, gravement endommagé — un établissement qui fut autrefois un phare de soins de santé, d’espoir et de valeurs humanitaires dans une région longtemps négligée.
Malgré son statut protégé par le droit international humanitaire (DIH), le centre de Khiam — comme tant d’autres unités de santé à travers le Liban — a été bombardé par les forces d’occupation israéliennes. L’attaque ne représente pas seulement la destruction de briques et de mortier ; elle constitue une atteinte au droit de la communauté à la santé, à la sécurité et à la dignité. Selon le DIH, les établissements et unités de santé, y compris les hôpitaux et les cliniques, ne doivent pas être ciblés en temps de conflit. Ces protections sont consacrées par les Conventions de Genève et lient aussi bien les acteurs étatiques que non étatiques.
Mais ce jour-là, en 2024, ces protections ont été ouvertement bafouées.
Une cible humanitaire
Ce qui s’est passé à Khiam n’était pas un dommage collatéral — c’était une destruction délibérée. Des témoins rapportent que le centre Amel, clairement identifié comme établissement médical, a été ciblé malgré sa fonction neutre et purement humanitaire. Ses murs ont été éventrés, le matériel médical réduit à de l’acier tordu, les archives ensevelies sous des couches de poussière et de gravats. Le quartier environnant a subi le même sort, avec des maisons et des commerces rasés, des arbres calcinés, et des vies perdues.
Des experts en droits humains et des observateurs internationaux ont depuis condamné les attaques contre Khiam comme des violations du droit international, susceptibles de constituer des crimes de guerre.
Des ruines à la résilience
Pourtant, des cendres, l’espoir commence à renaître.
Dans les semaines suivant la cessation des hostilités, l’Association Amel International — une ONG libanaise de longue date fondée en 1979 — a mobilisé son équipe sur le terrain. Les membres du personnel, dont beaucoup vivent dans les communautés avoisinantes, sont revenus sur place, non pas avec du désespoir, mais avec de la détermination. Leur première mission : déblayer les décombres et sauver ce qui pouvait l’être.
« Chaque dossier patient compte. Chaque instrument qui a survécu compte », dit Mayssam, une infirmière qui travaille au centre de Khiam depuis plus de dix ans. « Nous ne sommes pas revenus juste pour reconstruire un bâtiment, mais pour récupérer un espace d’humanité qui avait été violé. »
Avec le soutien des habitants et du réseau national d’Amel, l’équipe a commencé à sauver les archives médicales — des dossiers papier fragiles couverts de cendre et de poussière, désormais soigneusement nettoyés et numérisés pour assurer leur conservation.
Une communauté se relève
Dans un puissant geste de solidarité, un habitant de Khiam a fait don d’un terrain à l’Association Amel pour soutenir la création d’un nouveau centre médical. Des ateliers de construction sont déjà en cours, avec des plans architecturaux qui reflètent la résilience et les besoins de la communauté : une unité de traumatologie, des services de soins maternels, des installations de soutien psychologique, et des systèmes d’énergie renouvelable pour garantir la durabilité en temps de crise.
« Il ne s’agit pas seulement de reconstruire ce qui a été perdu. Il s’agit de reconstruire en mieux, et de rebâtir la confiance dans les principes humanitaires », explique le Dr Kamel Mohanna, fondateur et président d’Amel. « Même face à la violence, nous restons engagés envers la neutralité, l’impartialité et la dignité humaine. »
Les implications plus larges
La destruction du centre de Khiam n’est pas un incident isolé. Elle reflète un schéma inquiétant dans lequel des infrastructures civiles — notamment des écoles, des centres de santé et des systèmes d’approvisionnement en eau — ont été attaquées en violation des normes internationales. Si le droit international humanitaire offre des protections pour l’accès aux soins de santé en temps de conflit, ces lois ne sont effectives que si elles sont respectées et appliquées.
Dans les situations qui ne relèvent pas du seuil du conflit armé, le droit international des droits de l’homme (DIDH) oblige toujours les États à garantir le droit à la santé. Khiam nous rappelle que les cadres juridiques doivent être soutenus par une volonté politique et une responsabilité internationale.
Guérir comme acte de résistance
À Khiam, beaucoup reste à faire. Mais les habitants ont déjà accompli quelque chose de remarquable : face à la destruction, ils ont choisi de guérir. Le travail de l’Association Amel, soutenu par des citoyens ordinaires et porté par un engagement extraordinaire, montre que l’humanitaire ne peut être réduit au silence par les bombes.
Le nouveau centre s’élèvera bientôt, non seulement comme une clinique, mais comme un monument à la résilience humaine.