Mohanna : De l’aide humanitaire à la libération… Nous sommes un mouvement social qui résiste à la marginalisation et crée le changement
Dans le cadre de la 66e édition du Salon du Livre Arabe International de Beyrouth, organisé par le Club Culturel Arabe au Seaside Arena, le Dr Kamel Mohanna, président de l’Association Amel Internationale, a donné une conférence intitulée : « Le rôle de l’Association Amel en tant que mouvement de changement social face aux évolutions actuelles ». L’événement a réuni de nombreux écrivains, intellectuels, et acteurs sociaux, ainsi que l’équipe de l’Association Amel.
L’écrivain Souleiman Bakhti a présenté la conférence en qualifiant Amel de « modèle humanitaire avancé qui allie action humanitaire et vision de libération ». Il a ajouté que le Dr Mohanna « a toujours été un leader œuvrant à libérer l’homme de l’intérieur, donnant à l’action sociale une dimension transformatrice, loin de la médiatisation ou des loyautés politiques ».
En ouverture de son intervention, le Dr Mohanna a souligné l’effritement du concept de justice dans le monde, face au génocide en cours à Gaza et à la poursuite des agressions israéliennes contre le Liban et la Syrie. Il a affirmé que rejeter le colonialisme et les pratiques expansionnistes et racistes d’Israël est au cœur de l’action humanitaire, car croire en la justice suppose de respecter le droit international et de rejeter le double standard, pour que les peuples du Sud global aient valeur et dignité. C’est ici que réside le rôle des mouvements de libération humanitaire tels qu’Amel.
À l’occasion de la Journée de la Résistance et de la Libération, le Dr Mohanna a adressé un salut empreint d’estime et de fierté aux habitants du Sud du Liban, résilients malgré les défis permanents, dont les villages et maisons sont encore sous les décombres des agressions, et qui affrontent les attaques israéliennes répétées avec fermeté. Il a appelé à activer un plan national efficace de reconstruction, et à soutenir les habitants dans leur attachement à leur terre, en vue de restaurer pleinement la souveraineté libanaise.
Il a déclaré :
« Pendant la guerre, plus de 60 % de notre équipe a été déplacée et 14 de nos centres ont été endommagés, dont le centre de Khiam, gravement touché. Pourtant, nous ne nous sommes pas arrêtés. Nous avons accompli notre devoir humanitaire et nous nous sommes relevés. Aujourd’hui, le centre de Khiam est en cours de réhabilitation pour accueillir à nouveau les gens. C’est ainsi que le Sud est – tel un phénix, il renaît à chaque fois de ses cendres. De lui, nous apprenons la résilience, la persévérance et la lutte contre toute forme d’injustice. »
Le Dr Mohanna a ensuite présenté l’expérience de l’Association Amel, fondée lors de l’invasion israélienne du Liban en 1978. Il a insisté sur le fait qu’Amel n’a jamais été une ONG traditionnelle, mais un mouvement social libérateur visant à refonder la relation entre l’État et la société, entre le citoyen et ses droits, à travers des programmes de développement intégrés basés sur la justice, l’égalité et la citoyenneté.
Il a déclaré qu’Amel, aujourd’hui, selon les théories sociologiques contemporaines, représente une incarnation pratique de la théorie des « nouveaux mouvements sociaux ». L’organisation ne se contente pas de fournir des services, elle œuvre à l’autonomisation des groupes marginalisés, à la mobilisation de la conscience collective, et à la création d’espaces alternatifs comme noyaux d’un changement social et culturel profond. Le Dr Mohanna a expliqué qu’Amel adopte une méthodologie de transformation progressive, à travers des programmes de santé, d’éducation, d’autonomisation des femmes et de protection des enfants, menés via 40 centres à travers différentes régions du Liban, par 2300 employés et bénévoles. Il a également indiqué qu’Amel mise sur la jeunesse et les femmes en tant qu’avant-garde du changement, précisant que 85 % des membres de l’équipe d’Amel sont de jeunes femmes occupant des rôles de leadership.
Il a aussi abordé l’idée qu’Amel incarne un modèle vivant de la théorie de la mobilisation des ressources, chaque centre ou activité devenant un foyer de mobilisation sociale, croyant que l’être humain ne doit pas être un simple bénéficiaire de l’aide, mais un acteur engagé dans la construction de son destin et de sa société. Il a souligné que la mission de l’association est de bâtir une culture citoyenne alternative, selon la vision du penseur Alain Touraine, fondée sur un nouveau contrat social qui redonne à l’individu un rôle d’acteur collectif, et combat le système confessionnel et la fragmentation politique à travers des pratiques quotidiennes qui jettent les bases d’une société démocratique, libre et solidaire.
Le Dr Mohanna a conclu en affirmant qu’Amel n’est pas seulement une organisation humanitaire, mais un mouvement social de transformation qui croit que le progrès ne se limite pas à l’amélioration des services, mais constitue un acte collectif de libération face à la misère, à la marginalisation et à la dépendance.
« Nous ne sommes pas un parti politique, mais nous pratiquons la politique dans son sens large : la défense de la dignité humaine, le rejet de la domination et de l’injustice, et une quête constante pour construire une société à la hauteur des rêves des gens. »